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Canadian Urbanism Uncovered

Le peuplier deltoïde : notre arbre métropolitain?

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Un majestueux peuplier deltoïde devant une petite maison là ou se rencontrent la 4ème et la 5ème avenue dans Rosemont.

 

Ils peuplent les ruelles et les cours des quartiers denses et usés, s’élèvent au-dessus des triplex sans aucune gêne et bordent les chemins de fer. Leurs feuilles s’agitent au moindre coup de brise et de loin on dirait des milliers d’oiseaux ou d’insectes géants qui battent de leurs ailes sans pourtant s’envoler. Au printemps ils font neiger leur pollen blanc sur la ville, à l’automne ils se revêtent d’un jaune presque fluorescent, l’été ils chantent de tout leur feuillage et l’hiver ils ne sifflent pas.

Ce sont les peupliers deltoïdes, que certains appellent (par erreur) faux-trembles, même si leurs feuilles tremblent pour de vrai. Il s’agit d’une espèce indigène de l’est du continent – une de seules espèces indigènes qui soit capable de survivre en milieu urbain, en bordure de rue – et ceux qui aiment le fleuve St-Laurent savent que les liards (comme on les appelle parfois), eux-aussi, en sont friands. Ils croissent le long des berges un peu partout, surtout là où nous avons laissé la nature reprendre ses droits.

C’est ça, justement, qui fait du grand peuplier à feuilles deltoïdes le véritable seigneur de l’archipel de Montréal : personne ne l’a jamais planté nulle part, parce qu’il n’est pas considéré comme étant d’une « essence noble », parce que son bois est mou et donc à toute fin pratique inutile et parce qu’il fait aussi un mauvais bois de chauffage. En somme, on ne le plante pas parce qu’il ne produit rien, rien d’autre qu’un peu de poésie et de petites graines emmitouflées qui s’envolent au printemps par milliers et qui tapissent les trottoirs de béton d’une sorte de velour blanc (de là le nom de “cotonnier” qu’on lui donne parfois).

On ne le plante pas, mais il n’a pas besoin d’être invité pour aller quelque part, il s’immisce et s’installe tout simplement là où le vide de l’homme de lui permet. Il représente ce qu’il y a de sauvage, d’incontrôlable et de gigantesque dans la nature urbaine. Il était là avant que l’être humain ne s’établisse ici, et sera fort probablement encore ici quand nous ne le serons plus. Et en attendant les grands peupliers à feuilles deltoïdes nous observent, tels de grands spectres à la peau crevassée.

Betty Smith écrit, en parlant du « tree of heaven », qu’il s’agit d’un arbre qui « aime les pauvres » parce qu’il pousse (à Brooklyn) là ou pousse la pauvreté, même sans eau, sans espace et sans soleil. On pourrait dire la même chose du cotonnier pour Montréal, si ce n’était du fait que son apparition n’est pas tant un signe de déliquescence urbaine qu’un rappel de ce qu’est Montréal : une ville sur une île au milieu d’un fleuve, où cohabitent arbres plantés et arbres trouvés, condos neufs et vieux triplex, natifs et immigrants, riches et pauvres.

Cela dit, le deltoïde est un peu comme le duplex italo-montréalais en brique blanche : il ne connaît les limites du 514 ou du 450 et se retrouve un peu partout dans le Grand Montréal. Pour certains il rappelle la ville et ses nombreuses friches, mais en vérité il appartient à la région tout entière. On peut donc dire que le cotonnier est l’arbre métropolitain par excellence.  À preuve : nous (les marcheurs de Marcher la région) l’avons retrouvé sur notre chemin tout au long de notre traversée du Grand Montréal (qui se tenait la fin de semaine du 30 juin, 1 et 2 juillet, voir ici le reportage de Radio-Canada).

Pourquoi ne l’adopter officiellement comme « arbre-étendard » de la région? Voilà qui contribuerait à bâtir un imaginaire métropolitain, un sentiment d’appartenance à l ‘archipel.

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2 comments

  1. C’est certainement le plus grand.

  2. Le peuplier deltoïde se fait rare dans certains quartiers très urbanisés. Dans le Mile End, il en reste quelques uns qui date de l’érection du quartier, cependant plusieurs depuis dix ans ont été coupés par la ville de Montréal. Dans les anciers quartiers industriels, autour du canal Lachine, plusieurs poussent sauvagement, ils témoignent d’un ère passé. Cet arbre a mauvaise presse, il trop grand, il a trop de racines. Il est presque impossible d’en acheter. Et pour le repiquage, j’avoue mon incompétence. On lui prèfère depuis 50 ans, le frêne et l’érable argenté. En ce qui concerne ce premier choix, il est bien malheureux. C’est sans compter la mode des espèces horticoles, tel l’érable de Norvège. Il y a peu d’intérêt pour les espèces autochtones. Pourtant lors du grand verglas, les vieux chênes du Mont Royal sont restés de marbre. Les photos anciennes montrent que les arbres sont aussi des objets de mode.

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