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Canadian Urbanism Uncovered

Un autre retour sur Marche ta région!

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«Marche ta région»! Joël Thibert l’a raconté de son point de vue (1,2) dans les heures d’après ; à mon tour de dire la traversée formidable qui nous aura mené de l’intérieur de la réserve de Kahnawake au dépotoir de Lachenaie, plus de 85km au compteur (ou est-ce 90?) en trois jours du début juillet. Voir la carte sur le site de Radio-Canada.

Marche ta région! Le Vieux-La Prairie fut la plus belle des découvertes.

 

Première journée. La décision de préférer le plus long chemin à la voie maritime du Saint-Laurent fut importante. Si elle nous a rajouté plus de 8 km au 25 prévus, ça m’aura aussi fait découvrir un Vieux-La Prairie inimaginable. Je savais que le village était le bout du premier segment de chemin de fer de 26km depuis Saint-Jean-sur-Richelieu au Bas-Canada en 1836; j’ignorais que ce fut charmant. Nulle part qu’à La Prairie plus triste est l’autoroute qui coupe la Rive-Sud du fleuve. Tout proche, je me suis même laissé convaincre que les ensembles de condos autour de ce bassin inusité (pompeusement désigné «Lac de La Citière») offraient la densité pour être une forme d’occupation de banlieue acceptable, capable de faire rouler les restaurants du vieux quartier.

Ensemble de condos adjacent au Vieux-La Prairie, une forme d’occupation banlieusarde convenable.

 

Le reste de la première journée allait nous faire vivre un des rares orages de cet été aride, vérifier l’état de nos réseaux dans les parcs de Brossard via les bornes wifi «Zap» (le Îlesansfil de Québec), pendant qu’on se consternait pour certains de ces pauvres banlieusards pris pour littéralement vivre sous les lignes haute-tension d’Hydro (street view). Partout où nous serons allé sur la Rive-Sud, je fus surpris de retrouver très peu de gens dans les parcs et les cours en ce samedi après-midi. Est-ce que tout le monde déserte pour le chalet? Combien de quiétude faut-il à certains humains pour être bien quand la banlieue ne suffit pas?

Vers le kilomètre 32, j’allais négliger la résistance de mes articulations et offrir un jogging à mon cardio de vélo capable d’en prendre. J’attribue le fait que j’allais boiter les deux jours subséquents à cette audace étourdie. Je m’en ressens encore si je marche plus de 5km en une journée. À mon crédit cependant, je fus un des rares marcheurs (4 sur 28) à avoir eu le temps et l’élan pour rallier la dernière ligne d’arrivée à Lachenaie. Je suis compulsif; déception de ne pas avoir pu gagner Saint-Lambert à temps pour la piscine le premier soir, l’arrondissement nous ayant encouragé à en profiter, en plus de gracieusement nous prêter son «parc de la voie-maritime» comme camping périurbain. Personne n’avait non plus de chasse-moustique!

La baignade fut donc inscrite au jour 2. Merci à Neptune d’avoir détourné l’attention des marcheurs qui semblaient d’abord résolus à gravir Jacques-Cartier en deux temps, se rallongeant sans bon sens pour un rafraîchissement à la piscine de l’Île Sainte-Hélène. En fin de compte, ce fut celle du parc Pélican qui finit par faire consensus, qu’on gagnerait après avoir connu les développements du secteur Angus. Alleluia! Une douche! Et j’aimerais habiter Masson pour pouvoir légitimement aussi revendiquer le chandail: «le Pélican pour moi c’est un parc». C’est surtout dans un monde parallèle.

Angus en vue!

 Le ravissement allait être total dans Rosemont après dîner. Joël nous fit nous attarder à la collision des 5e et 6e avenues qui fusionnent à la rencontre des deux grilles de rue. Une maison si étroite à sa pointe, le meilleur espace de Montréal où jouer au hockey bottine et des duplexs dont l’arrière donnent sur la rue: ces curiosités font désormais de ce lieu invisible un de mes préférés. Les autres randonneurs nommeront sûrement la ruelle verte de Saint-Michel. J’allais tenter d’en proposer d’autres de mon cru dans Montréal-Nord pour laquelle j’avais été désigné responsable du tracé.

La maison toute étroite sur la pointe où la 5e et la 6e avenue entrent en collision dans Rosemont, un lieu invisible.

 

Je dus abandonner l’idée de nous faire arpenter J.-J. Gagnier et la Gouin de villégiature au profit de Lausanne plus directe vers les tours de milliers de personnes âgées de Gouin rendu à l’est de Saint-Michel. Je nous guidai ensuite par-delà le viaduc Pie-IX en train d’être réaménagé à la manière de l’ancien échangeur du Parc. Nous gravîmes la rue Pelletier de l’école secondaire Calixa-Lavallée qui cherchent à se défaire des stigmates des gangs de rue. Nous déambulâmes le long de l’artère commerciale Charleroi, aperçurent les appartements Arc-en-Ciel sur Henri-Bourassa près de Lacordaire ainsi qu’Henri-Bourassa, mon école secondaire où dans son parc fut tué Freddy Villanueva. Les deux surveillants dans le mirador avaient-ils cet emploi avant les troubles? Une tension momentanée avec des jeunes aura d’ailleurs résulté de notre curiosité pour les lieux, c’est au moins signe que les Nord-montréalais s’approprient leur parc et ses installations, comme la famille haïtienne qui avait bien raison de jouer le badminton qu’ils aiment plutôt que le tennis sur un des courts. Quant à nous, revenus 4km plus à l’ouest, nous aurons fait nôtre le terrain de la maison abandonnée sur la rue de mon enfance pour y planter nos tentes.

Les appartements Arc-en-ciel sur Henri-Bourassa dans Montréal-Nord, un lieu visible mais improbable! (Photo: Alanah Heffez)

 

Le dernier jour de marche nous vit franchir le pont Pie-IX vers la Montée Saint-François et son centre de détention pour immigrants qui bientôt fermera des suites des compressions budgétaires fédérales incompatibles avec le durcissement de ses lois. Les champs qui s’ouvrent ensuite sur la montée ou plus loin sur le chemin Sainte-Marie nous parurent offrir une réalité moins tordue. De même, les maisons du «boulevard» des Mille-Îles sont-elles rarement monstrueuses par leur taille ou leurs matériaux, un charme quand on sait ce qui est érigé ailleurs sur l’Île Jésus. Joël dirait que des arbres matures sauraient faire oublier que le souci du détail manque aux promoteurs de condos uniformes. Je n’en suis pas convaincu. Rendus là, nous étions en route vers Terrebonne puis Lachenaie, en effectifs réduits pour l’ultime objectif. Je me souviens des 3 derniers kilomètres de ligne droite comme le pire moment du périple, mais aussi d’autres parmi les meilleurs: les affluents et la rivière des Mille-Îles ou quelques rencontres comme celle avec de nouveaux banlieusards cégépiens de parents haïtiens. Arrivés depuis Ville Saint-Michel la semaine d’avant, leurs raisons sont les mêmes que tous les autres soit le calme et la superficie du terrain. Comme quoi Lachenaie permet aussi de prendre la mesure de notre américanité!

«Marche ta région» m’aura donné le goût des banlieues comme champ d’étude, plus diversifiées qu’on en revient toujours à croire. De même, je peux dire que je connais aujourd’hui plus intimement ma ville que quand je la roule à toute vitesse. J’éprouve une grande fierté d’avoir accompli cet exploit d’endurance. Moi qui croyais connaître des moments d’ennui, porter une croix; l’étonnement constant et la belle compagnie m’auront fait me passer de mon ipod pour la plus grande partie des trois jours. J’y ai réalisé des détails étranges sur la machine humaine: le fait d’accumuler les kilomètres de marche me soustrait-il vraiment à la faim? Jeune voyageur, je croyais que c’était les impératifs économiques combinés au dépaysement du séjour. Or s’il s’agit plutôt d’une sorte d’état anaérobique, il fut certainement utile à l’humain dans ses migrations préhistoriques! Cela, il faudra le confirmer! Si j’hésitais à me faire prophète de l’événement avant de l’avoir vécu, mes cercles doivent désormais s’attendre à une propagande de tous les instants. À l’an prochain!

La rivière des Mille-Îles depuis Lachenaie, que seuls quatre marcheurs ont vue.

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