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Canadian Urbanism Uncovered

«Le plan» de Saint-Michel où l’enclavement géographique complique l’exclusion sociale

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Un matin il y a trois semaines, je me suis rendu boulevard Pie-IX dans le quartier Saint-Michel à la rencontre d’une amie. Nous nous sommes connus à l’événement Lire Montréal. Pour la 2e année, elle travaille en développement culturel et communautaire pour La petite maison, l’un des quelque quatre organismes communautaires dont les subventions et les dons permettent d’appuyer les habitants du massif complexe d’HLM s’étendant de la rue Jean-Rivard à la 39e rue au nord, et de la 24e avenue aux débuts de Saint-Léonard à l’ouest.

Une entrée du «plan», massif complexe d’HLM de Saint-Michel.

 

Quand les grands médias s’intéressent au sort des HLM, c’est parce que des cas graves d’insalubrité finissent par être rapportés ou que nous sommes en basse saison médiatique: le manque de logements à loyer modiques grève nos concitoyens vulnérables socioéconomiquement de façon endémique. Selon le dossier de presse que je me suis constitué pour préparer ma visite, rarement voire jamais la réalité de l’exclusion sociale fournit-elle l’angle de l’article. Spacingmontréal s’est intéressé à Montréal-Nord par le passé. J’avais aussi envie de raconter cette histoire, aller au devant de ces Montréalais qu’on oublie, sans compter que Saint-Michel célèbre cette année son 100e anniversaire.

Si les jeunes de centre d’accueil vivent dans des «unités»; on désigne familièrement comme «le plan» ces HLM. Destiné aux Néo-québécois, le plan est subdivisé en trois secteurs culturels: haïtien, maghrébin et les autres, surtout indopakistanais. Ainsi, les familles admises se font automatiquement assigner un logement au sein de leur groupe d’origine, une zone de confort utile au début qui devient toutefois un frein de plus à leur intégration selon mon hôte. Comme les autres citadins du quartier Saint-Michel, ceux-ci vivent enclavés entre la 40, les anciennes carrières (Francon dans leurs cas) et Saint-Léonard. Les murs du plan sont en carton mais les plaintes des résidents les plus fréquentes à la mairie d’arrondissement concernent les punaises de lit.

À 10h heures du matin, le calme le plus paisible règne sur les lieux mais une fusillade a déjà éclaté à 20h30 un des premiers jours où travaillait ma guide. De temps en temps, on retrouve une vitre de voiture avec un trou de balle dedans, pas de blessés mais le signe de recrutement des gangs. Chose qu’on ne m’avait jamais dite, la Saint-Léonard voisine aurait ses gangs de rue aussi, rivaux de ceux du quartier Saint-Michel. Même si je sais que la mafia et les autres organisations criminelles se coordonnent pour certains coups, je n’aurais pas pensé qu’ils parviennent à exercer de l’influence dans pareil château-fort. C’est peut-être en raison des profondes réorganisations hiérarchiques depuis les arrestations et les assassinats des dernières années.

L’organisme La petite maison peut offrir ses services grâces aux petites subventions octroyées par quatre ministères. Il occupe un des grands logements du plan, peu large mais sis sur deux étages. Les plus hautes constructions ne font que trois étages au plus. Curiosité urbanistique, des rues intérieures parcourent un des quadrilatères du plan et des numéros civiques s’y retrouvent, ce qui a eu pour effet de compliquer la vie d’ambulanciers le mois passé.

Un élan pour la propreté du plan a été donné cette année. Mon amie anime des ateliers de cinéma, d’improvisation et de théâtre. Un spectacle qui doit se dérouler à la Tohu est en préparation. Chapeau pour le rayonnement à l’échelle du quartier! Au plan de Saint-Michel, la cuisine et surtout le jardinage sont les activités les plus populaires. On voit souvent les enfants arriver vers les 8h30 pour une activités qui décolle 3h plus tard. C’est que les places sont limitées! C’était le cas du matin de ma visite. J’ai vu des enfants complètement attentifs à une vidéo sur le cycle de l’eau. La communauté maghrébine est celle qui participe en plus grand nombre et avec le plus d’énergie. Des sorties en vélo, aux glissades et à La Ronde ressemblent sinon à n’importe quel de camp de vacances. Au début, le métro est un manège inconnu.

Les policiers de quartier sont très présents, acceptés parce que plutôt habiles à déjouer la méfiance des adultes. En contexte, un tel sentiment est compréhensible compte tenu de la corruption des forces constabulaires à l’étranger. Aussi, à peu près toutes les familles disposent d’un travailleur social pour soutenir leur intégration. Des organismes d’aide à l’emploi offrent également des services de traduction. Aux adolescents, on propose de tondre les pelouses pour 10$ l’heure.

Les préjugés qui subsistent contre les résidents font fi de détails sur leurs capacités. Entre autres, s’ils ont pu immigrer, c’est qu’ils étaient parmi les gens relativement fortunés et instruits de leurs pays. La bonne santé physique et mentale des candidats fait également partie du tri pour obtenir une place en HLM. On refusera par exemple celles et ceux qui montrent des comportements dépressifs, or «ça rend dépressif au début!». On ne va pas assez vers eux, déplore mon hôte: «on les ignore!», délibérément, nous Montréalais. L’ensemble donne en effet l’impression qu’on stationne ici les familles immigrantes en leur disant: «y’a plein de services»!

Paradoxalement, ce sera aussi ma seule critique: je crois que davantage pourrait être fait pour que les projets émanent d’abord des résidents. Comme cette nouvelle façon de concevoir l’aide humanitaire, le secteur communautaire d’ici devrait idéalement viser aussi à capaciter les bénéficiaires de ses activités. L’appui des organismes aux fêtes de quartier et l’invitation de parents pour donner le cours de cuisine une fois par mois devraient être multipliées. Enfin, il manque de services religieux sur place et on développe peu les compétences informatiques des résidents, une tâche qu’on a tort en 2012 de ne déléguer qu’à la maison et à l’école.

Alors qu’on peut distinguer le stade olympique d’aussi loin que Rougemont, pas d’eldorado pour les citadins de Saint-Michel qui, de Pie-IX, ont l’horizon bouché par la cicatrice métropolitaine. Ça me fait quelque chose. Aussi pour garantir l’intégration de ses enfants dont les limites d’action sont la grosse école primaire à deux bâtiments, le PFK et le Tim Horton’s du boulevard, il faudra finir par secouer les stéréotypes de nos concitoyens, le pas-dans-ma-cour «ces criminels, ces pauvres chroniques qui ne s’intègrent pas!». Créer des ponts et des missions devient l’affaire de tous plus que jamais.

Les habitants de ce secteur sont enclavés géographiquement par la métropolitaine, accentuant leur exclusion sociale.

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One comment

  1. I have lived in this neighborhoud for over 40 years. At the beginning there was social peace. As a child I played with the children living in this low-income housing complex. I invited them over for snacks, dinner and playtime. In the last 10 years there has been some social unrest. Drugs are common, smashing windows of the residences on Choquette Street, my children being bullied when the walk to the Pie IX bus. 

    We have called the police and thier response is always, call your municipal counsellor. The police are in fact afraid to go in. For a low-income housing complex I am surprised at the amount of Lexus, BMW and other luxury cars parked in front of the apartments. 

    Many of the people living here are trying to make a better life, but there is an element that lives amongst them that ruins it for all.

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