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Le Bois Angell: un écosystème d’humains

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La communauté des chiens

Si vous entrez dans le bois Angell — une forêt de 80 ha, en banlieue ouest de Montréal — vous croirez peut-être qu’une meute de loups vous entoure. Chaque jour, des dizaines promeneurs de chiens s’y rendent, guidés par des sites comme Dog Friendly Planet ou pets.ca, et laissent leur animal courir en liberté. La scène a quelque chose d’effrayant : au milieu d’une forêt mature, des dizaines de chiens se pourchassent, jappent et se roulent par terre, comme s’ils étaient revenus à leur état naturel. Les chiens forment une communauté, peut-on lire sur Dog Friendly Planet et cette communauté trouve au bois Angell le lieu de son épanouissement.

D’autres communautés se partagent cependant cet espace. En outre, le bois abrite plusieurs espèces rares ; les biologistes y signalent la présence exceptionnelle d’érables à caryer et de frênes rouges. C’est aussi l’un des plus grands boisés et des plus grands milieux humides de l’île de Montréal. La quasi-totalité du bois appartient à des propriétaires privés qui souhaitent rentabiliser leur investissement. L’Association pour la protection du bois Angell (APAB), un organisme local, milite pour la conservation de cet écosystème.

Entre la communauté des écologistes et celle des investisseurs, les promeneurs de chien jouent un rôle paradoxal. En tant qu’utilisateurs du bois, ils appuient l’APAB dans sa lutte. L’association peut compter sur la présence massive des chiens et de leurs maîtres lors de ses évènements publics.
En contrepartie, en piétinant les fleurs, en pourchassant les oiseaux, les chiens exercent une pression majeure sur l’écosystème. Ils permettent au bois de survivre, mais rognent un peu de ce qui le rend unique.

Des alliés improbables

Les chiens et leurs maîtres ne sont pas les seuls à contribuer de manière paradoxale à la protection du bois.
En 2012, l’APAB a commandé une étude de circulation à une firme de génie afin d’identifier l’impact d’un projet résidentiel dans le bois Angell. L’étude conclut que le temps d’attente à l’intersection pourrait tripler et atteindre plus de trois minutes ; armés de ces résultats, les membres de l’APAB ont distribué des feuillets aux automobilistes coincés dans la circulation. Même si ces banlieusards en voiture occupent eux-mêmes une maison construite à l’emplacement d’un champ ou d’un ancien boisé, leurs intérêts, en tant qu’automobilistes coincés dans la circulation, sont opposés au développement résidentiel.

De manière encore plus surprenante, le développement résidentiel lui-même peut fournir des alliés à la protection du bois. Une partie du site a été protégé dans le cadre d’une entente entre l’APAB et le Groupe immobilier Grilli, un promoteur qui a régulièrement été la cible des écologistes de la banlieue ouest. L’APAB a conclu un pacte de non-agression avec Grilli ; en échange, celui-ci a cédé une partie de terrain pour la conservation et versé une somme importante pour chaque maison vendue. Avec la vente des maisons, l’APAB s’est constitué un véritable trésor de guerre, qui lui permet d’engager des avocats et de commander des études. Plusieurs propriétaires des McMansions construits par le Groupe Grilli appuient maintenant la protection du bois et sont devenus membres de l’APAB.

Un écosystème à protéger

L’APAB veut protéger l’érable à caryer et le frêne rouge. Mais l’écosystème d’humain qui s’est formé autour du bois Angell est peut-être aussi rare et exceptionnel que la flore qui s’y trouve. Les automobilistes au feu rouge, les chiens et leurs maîtres, les constructeurs et les propriétaires, les écologistes et les investisseurs : toutes ces communautés se trouvent dans un état d’équilibre précaire. Si cet équilibre se maintient, le bois continuera à vivre, à peu près semblable à ce qu’il est aujourd’hui. Dans 20 ans, dans 30 ans, il faudra peut-être créer un nouveau statut de protection pour transmettre aux générations futures l’improbable écosystème d’humains qui s’est formé autour du bois Angell.

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One comment

  1. L’érablière à caryer désigne une érablière dans laquelle on retrouve des caryers. C’est un écosystème particulier au domaine climacique du grand montréal. Aucun arbre ne s’appelle l’érable à caryer. Toutefois, dans ce coin de l’île et particulièrement dans ce type de milieu humide, l’érable noir, une espèce vulnérable au Québec, est retrouvé en population assez grande. Aussi, les deux espèces de caryers retrouvés se nomment le caryer ovale, espèce susceptible d’être désignée menacée, et le caryer cordiforme, espèce vulnérable. (le statut des espèces est à vérifier, mais le reste de mon texte est exact!)
    En espérant que ces précisions puissent contribuer à sauver le boisé ou mieux informer la population:)