Montréal n’ayant pas été planifiée au milieu du 19ème siècle, les percées visuelles qui aboutissent sur quelque chose d’intéressant sont assez rares. Il y a, bien entendu, la rue McGill College, qui s’ouvre sur le campus de McGill, le pavillon des arts, le réservoir McTavish et le Mont-Royal. Il y a aussi la rue St-Urbain, qui plonge vers le Vieux-Montréal et laisse entrevoir la basilique Notre-Dame ainsi que les édifices Duluth et Aldred. Ou le boulevard De Lorimier, qui semble galoper vers le pont Jacques-Cartier (qui n’est visible au bout de la rue que parce qu’il n’est pas aligné à la grille montréalaise) ou encore l’avenue du Mont-Royal qui donne l’impression, le soir, de se dérouler comme un tapis depuis la montagne jusqu’au très surréel et solennel Stade Olympique illuminé- un peu comme la route qui mène jusqu’à la Tour d’Ivoire dans l’Histoire sans fin. Ces points de vue magnifiques sur la ville ont tous été mis en carte postale par les chasseurs de clichés, je m’abstiendrai donc de les illustrer de nouveau.
Mais il y a aussi des percées visuelles plus discrètes, des trous qu’on ne perçoit que si l’on est attentif, et qui nous racontent un peu l’histoire de la ville si on prend la peine de les examiner en détail. Ils sont parfois le fruit du hasard, mais leur existence même, dans une ville comme Montréal qui s’est développé de manière assez chaotique, révèle le plus souvent une trame ou une permanence quelconque que ni le développement, ni la topographie, ni le temps n’ont su dévier. Celle-ci en est une.
Ce trou à travers la ville – et à travers le temps – c’est la trouée formée par l’alignement presque parfait des rues St-Pierre, Bleury et de l’avenue du Parc. Je l’ai découverte une fois en revenant d’une longue marche le long des quais du Vieux-Port, me dirigeant vers la rue McGill. C’était à l’étrange intersection que forment les rues St-Pierre, de la Commune et Marguerite d’Youville. J’ai tourné le coin pour remonter St-Pierre et ça m’a frappé tout de suite: mon regard ne se buttait à aucun obstacle. Soudainement, je pouvais voir à travers la muraille épaisse de pierres grises que forment les édifices de la vieille ville, à travers le centre-ville, par-delà la côte à Baron et le ghetto McGill jusqu’à la colonne vertébrale de l’île, jusqu’à l’endroit ou l’avenue du Parc cesse de monter le versant sud-est de la montagne pour redescendre vers le Mile-End, vers le pays des hipsters, des souvlakis et des synagogues.
Trève de grandiloquence. Pour faire une histoire courte, la rue Bleury existe – selon ce que j’ai pu trouver – depuis au moins 1801, et a toujours été alignée à la rue St-Pierre. En fait, Bleury était l’extension extra-muros de la rue St-Pierre et menait jusqu’à la limite de propriété -elle aussi alignée à la rue Bleury – de Lunn’s garden et de Allan’s garden. Il semblerait que l’avenue du Parc ait été dessinée délibérément comme un prolongement de la rue Bleury – ou alors qu’elle ait été établie précisément le long de cette limite de propriété. Quoiqu’il en soit, l’alignement demeure et on peut toujours apercevoir la crête de Montréal depuis la rue Notre-Dame. Cool, n’est-ce pas?
8 comments
Un trou assez impressionnant est celui de la rue Ste-Catherine vu du pont Jacques-Cartier, lorsqu’on est sur le pont aligné à la rue, la vue du centre-ville est superbe. Le soir encore plus!
Pas un trou, mais les deux perspectives de la rue Sainte-Famille!
Et même, la rue St-Pierre, est-ce que son nom vient de la rivière qui coulait près de là, jusqu’au tournant du 19ème siècle? Je vais y croire puisque cela me plaît bien…
Ainsi, la seule raison Parc et Bleury sont alignés est parce que ces propriétés des jardins étaient là? Quelle bonne chance!
Un beau trou est celui vue de cote des neiges et gage vers le centre ville, le fleuve(la mer) et les ponts.
One of my favourites is rue Cartier just east of Papineau. Looking down the hill and across the river is the BioDome sitting there, looking kind of out of place and weird.
In Montréal’s plan d’urbanisation, the views towards and from the mountain have been meticulously photographed, albeit not particularly professionally. However, it is indeed thorough, with pictures from various points along a street showing the decreasing view of the mountain.
Views from the mountain: http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/plan_urbanisme_fr/media/documents/docpreparatoire_vuesdepuismontroyal.pdf
Views of the mountain (62 whopping pages): http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/plan_urbanisme_fr/media/documents/docpreparatoire_vuesversmontroyal_04.pdf
So many of our urban viewsheds are shortened. I, too, enjoy finding these long views. Looking into the distance is often recommended by ergonomists and therapists to relax the eyes and the mind.