Sans doute vous reconnaissez ces arbres à l’écorce lisse et pâle, souvent autographiés. En fait, l’écorce de l’hêtre à grande feuilles (Fagus grandifolia, American beech) offre l’écorce à signer par excellence. Depuis au moins l’époque des Celtes, l’écorce du hêtre a servi à graver des lettres. On dit que les runes, anciennes lettres des Anglo-Saxons et Norses, étaient souvent gravées dans les tablettes en écorce du hêtre. Alors, c’est logique que le mot boc, hêtre en Anglo-Saxon, est à la racine du mot, book, en anglais.
En français, hêtre est dérivé de aistre or âtre, le foyer, peut-être parce que le bois était coupé en taillis pour créer une source de longue durée de bois de chauffage sans devoir couper l’arbre entier. En plus, le bois du hêtre, comme le bois des chênes, qui est également de la famille Fagacée, brule à des hautes températures. Il était utilisé et Europe pour faire du charbon.
Aujourd’hui, le hêtre au Québec est peu exploité pour son bois, malgré ses qualités de force, beauté et de bonne résonance (dans les instruments de musique). En partie, c’est parce que le bois du hêtre n’est pas stable alors n’est pas à recommander pour les planchers.
Mais, peut-être encore plus important, c’est qu’il n’y a plus de grandes quantités de cet arbre de forêt. C’est-à-dire que le hêtre ne se prête pas à des plantations. Il est à l’aise dans la forêt de feuillus du bassin des grands lacs et du fleuve St-Laurent parmi les érables à sucre, bouleaux jaunes et prûche. Comme explique Pierre-Émile Rocray, ingénieur forestier de la Ville de Montréal: “On ne peut pas planter des hêtres dans les parcs parce que c’est une espèce de la forêt qui aime pousser dans l’ombre des érables et qui ne tolère pas les sols compactés de la ville — un peu comme l’érable à sucre.”
En plus, continue Rocray, le hêtre n’aime pas être transplanté alors il lui faut des conditions propices aux jeunes hêtres: un sol pas trop sec, pas trop humide et bien protégé des pieds humains. Dans la photo du haut, vous voyez la pépinière avec des jeunes hêtres au pied des grands. Pour se protéger des animaux qui ont faim, le hêtre a évolué jusqu’à obtenir des bourgeons extrêmement pointu — au point que ça fait mal lorsqu’on marche dessus en forêt et qu’une jeune branche rebondit sur soi.
En hiver, dans la forêt de la Montérégie, des Cantons de l’est ou des Laurentides, les jeunes hêtres, qui ont l’habitude de garder leurs feuilles pendant l’hiver, illuminent la forêt comme une série de lanternes comme vous voyez dans cette photo-ci prise l’hiver dernier dans la Vallée Ruiter, près de Mansonville (grace à Wolfgang Schneider):
En fait, moi je trouve que c’est sa beauté que donne au hêtre toute sa valeur (en plus de fournir des noix huileux et délicieux). Son écorce grise pale qui reste lisse toute sa vie, sa forme déterminée par l’espace qui l’entoure, et ses branches qui poussent d’une manière latéraux, lui donne l’air d’une sculpture en pierre vivante.
Heureusement, sur le mont Royal, il reste un groupe de trois hêtres matures et en bonne santé à côté du terrain de jeux pour enfant au sud du Lac aux Castors.
Un peu plus loin, il y a un autre hêtre seul avec ses copains de forêt: l’ostryer de Virginie (ironwood or hop hornbeam) et le caryer cordiforme (bitternut hickory). Notez comment le hêtre met sa branche autour du caryer. Le hêtre américain est un espèce qui préfère vivre en communauté par rapport au hêtre européen, que nous voyons dans les jardins, souvent aux feuilles pourpres, qui tolère mieux la solitude
La raison pour laquelle, on ne trouve pas d’autres hêtres sur la montagne est parce que lors les “coupes de moralité” pendant les années ’50, toutes les plantes du sous bois étaient enlevées et cela aurait compris des jeunes hêtres. Alors, la relève n’existe plus à part ce petit coin. Une chance pour nous.
2 comments
ak ! le hêtre ! c’est un *h
C’est corrigé. Merci.