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Canadian Urbanism Uncovered

La ville est un cinéma pornographique

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Cinéma L'Amour, institution culturelle?
« L’amour est à réinventer. »
– Arthur Rimbaud

Le Cinéma L’Amour fête ses 40 ans aujourd’hui avec un concert de The Hellbound Hepcats et la diffusion du film « Faster Pussycat, Kill! Kill ! » Il n’est toutefois ni la première ni la dernière fois que l’art pénètre dans cette demeure sacrée du porno. En fait, l’institution rose, située au coin St-Laurent et Duluth – le dernier cinéma montréalais qui présente des films pornographiques à grand écran – a baptisé les premiers mercredis du mois « Grindhouse Wednesdays » : un jumelage des films atypiques avec une performance musicale.

Beaucoup ont changé depuis 1969, l’année inaugurale de la transformation pornographique de ce cinéma. John Lennon apporta son bed-in au Reine Élizabeth, les Expos commencèrent leur première saison au parc Jarry, les Roughriders perdirent une autre Coup Grey à l’Autostade, et Jean Drapeau édifiait son empire sur l’Île. Montréal, toujours paré de pierreries après son bal des débutantes, devint le centre de l’univers connu.

En effet, le Cinéma L’Amour constitue un microcosme de la ville de Montréal. À l’époque où le cinéma a assumé sa vocation de salle hardcore, il s’affairait d’enthousiastes ; il n’existait nul autre moyen de jouir de ce genre de divertissement. L’apparition des innovations technologiques – le magnétoscope, Internet – a proposé aux clients une méthode plus commode à s’amuser. Au lieu de permettre la mort d’un monument célèbre, il semble qu’elle se mue en lieu de culture alternative.

Pour notre ville, un choix décisif s’impose. L’ère de la plaque tournante des activités industrielles s’achève. Montréal, comme le Cinéma L’Amour, assiste à une lente métamorphose : de ville ecclésiastique à ville séculière ; de ville biculturelle à ville multiculturelle ; de ville ouvrière à ville savante.

Et cela laisse une empreinte profonde sur le paysage urbain.

Nos anciens infrastructures et équipements se transforment :
Les artistes envahissent les bâtiments inutilisés au coin du Parc et Beaubien.
Les comédiens interprètent des personnages dans le Bain St-Michel.

Certains groupes démographiques revalorisent leurs lieux de rencontre :
La fédération nationale ukrainienne accueille souvent des concerts dans son sous-sol.
K-LUB Privé, « le meilleur terrain de jeux pour hommes à Montréal », se veut hautain en organisant un vernissage.

Les organisations religieuses remettent en question l’usage de leurs édifices qui se vident graduellement :
Les églises abandonnées par leurs paroisses sont transformées en bibliothèques et en résidences.
Une rénovation de l’édifice Sir Mortimer B. Davis, occupé autrefois par le Young Men’s Hebrew Association, créera de nouveaux logements dans le Plateau.

Montréal, comme le Cinéma L’Amour, évolue afin de narguer un destin parallèle à ses frères. Qu’est-il advenu des cinémas Le Babette et Brigitte (fermé), Le Bijou (éteint), Le Bonaventure (ravagé)? Homologiquement, qu’est-il advenu des villes de Cleveland, de Philadelphia, et de Détroit ?

Cinéma L'Amour, Montréal (Québec)

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