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Canadian Urbanism Uncovered

Quelques observations sur le Plateau Mont-Royal

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Photo Plateau
Un exemple de la mixité de la forme urbaine du Plateau Mont-Royal

Il est de bon ton sur les ondes des radios-poubelles (ou “de droite” comme certains préfèrent les appeler) et dans la blogosphère (y compris dans les commentaires de Spacing Montreal) de dépeindre le Plateau Mont-Royal et ceux qui y habitent comme en des termes peu flatteurs. On dira par exemple des résidents du Plateau (qu’on désigne souvent comme “la clique du Plateau”) qu’ils sont snobs, chauvins, bobos, gaugauches ou – en bon québécois – « qu’ils pètent plus haut que le trou ». Il y a bien entendu un peu de « floklore » québécois là-dedans: le Plateau représente aux yeux de beaucoup de gens (surtout aux yeux de ceux qui ne le fréquentent que comme « touristes ») tout ce qu’il y a de détestable dans l’urbanité montréalaise: la difficulté de se stationner, les rues mal déneigées, la densité « extrême », le bruit, etc. Il y a certainement du vrai là-dedans et on ne peut pas blâmer ceux qui recherchent autre chose; après tout, le Plateau n’a jamais été un quartier chic – jusqu’à ce qu’on découvre que c’était un quartier cool.

Ceci étant dit, le discours et les mauvais mots qui circulent sur le Plateau vont souvent beaucoup plus loin que ça: on ne s’attaque pas seulement à la difficulté de naviguer ce quartier qui – rappelons-le – s’est en grande partie développé avant que n’apparaisse l’automobile. On attaque aussi – et surtout – une soit-disant « mentalité » qui caractériserait ceux qui y habitent et qui « corromprait » la culture québécoise.  On s’attaque aussi, de manière à peine voilée,  à la présence de minorités honnies (les “maudits Français”, les “esties de tapettes”, etc.). Je ne m’aventurerai pas à essayer de décoder ce qui se cache derrière cette légère xénophobie (et homophobie?), mais j’aimerais m’attarder quelque peu sur le phénomène lui-même. En effet, il me semble qu’il est temps que quelqu’un jette un peu de lumière sur la chose, vu les proportions démesurées qu’a pris le débat sur la Plateau-i-tude et le « Plateau-bashing », de manière générale.

Tout d’abord, et contrairement à ce qu’on entend un peu partout, le Plateau n’est pas un quartier « élitiste » au sens socio-économique. En effet, selon les données du recensement de 2006, environ 28% des résidents du Plateau vivent sous le seuil de la pauvreté (comparativement à 29% sur le territoire de la Ville de Montréal), 45% des familles du Plateau sont monoparentales (33% pour Montréal) et environ 39% des 15-24 ans ne fréquentent pas l’école (32% pour Montréal). En contrepartie, le revenu médian des familles du Plateau est un peu plus élevé que le revenu médian des familles montréalaises (50 284$ vs. 47 102$) et 44% des adultes de 20 ans et plus y habitant ont un diplôme universitaire (contre 27% à l’échelle de la ville). C’est donc dire que le Plateau est un quartier de contrastes et quartier mixte, dont on ne peut pas grossièrement catégoriser la population comme faisant partie d’une élite quelconque. Quoiqu’en disent les créateurs de la défunte série télévisée « Le Plateau », la grande majorité de ses résidents ne sont ni des Platopithèques ni des Platobobos. Ce sont tout simplement, pour la plupart, des Montréalais ordinaires.

Si vous cherchez l’élite montréalaise, allez plutôt voir à Outremont, à l’Île-des-soeurs ou à St-Lambert.

Mixte, aussi, d’un point de vue démographique. Tout d’abord, il importe de préciser qu’il y a quelques 101 000 personnes qui habitent dans l’arrondissement Le Plateau Mont-Royal, soit environ 1,3% de la population du Québec. S’il est vrai que le Plateau attire de nombreux jeunes adultes et que ce groupe d’âge (20-29 ans) y est sur-représenté, il est aussi vrai que le deuxième groupe d’âge en importance et celui qui croît le plus vite est celui des 40-54 ans. Il est important de noter, de surcroît, que les jeunes du Plateau ne sont pas tous de jeunes professionnels sans enfants, ceux qu’on appelle en immobilier les « D-I-N-Ks » (Double-Income-No-Kids). En fait, on remarque une légère augmentation du nombre de ménages avec enfants entre 1996 et 2006, comparable à l’augmentation observée sur l’ensemble du territoire montréalais; le nombre d’enfants de 0-14 ans, quant à lui, est resté à peu près inchangé durant la même période. L’âge moyen des résidents du Plateau est d’environ 38 ans (alors qu’il est de 39 ans pour Montréal dans son ensemble), mais les statistiques parlent d’elles-mêmes: il y a des gens de tout âge sur le Plateau.

Qui plus est, le Plateau compte (selon le dernier recensement) environ 23% d’immigrants, ce qui est inférieur à la proportion d’immigrants sur le territoire montréalais (soit environ 31%), mais supérieur à la proportion d’immigrants d’autres arrondissements « francophones » tels que Mercier – Hochelaga – Maisonneuve (15%) et Rosemont – La Petite Patrie (20%). Il faut aussi préciser que cela ne tient pas compte des nombreux étudiants provenant de l’extérieur du Québec qui résident sur le Plateau de manière transitoire et qui ne sont pour la plupart pas comptabilisés dans le recensement. En somme, la population du Plateau Mont-Royal est tout sauf homogène.

La principale raison pour laquelle il est absurde de parler d’une « mentalité Plateau », cependant, tient au fait que le Plateau et ceux qui l’habitent sont une cible mouvante, une population changeante qui défie toute catégorisation. Les données citées précédemment sont des tendances qui datent déjà de presque une décennie et certaines d’entre elles ne sont certainement plus à jour. Mais il y a une tendance qui ne se dément pas: mis à part l’arrondissement de Ville-Marie, c’est dans le Plateau Mont-Royal qu’on retrouve le taux de mobilité le plus élevé, soit 24%. Cela veut dire que chaque année, près d’un quart des résidents du Plateau déménagent (contre 16% à l’échelle montréalaise). On soupçonne que certains d’entre eux déménagement ailleurs sur le Plateau, mais il ne fait aucun doute que beaucoup déménagement ailleurs – et donc que le quartier accueille de “nouveaux arrivants”. Cette tendance est confirmée par deux autres données provenant du recensement de 2006. Premièrement, environ 30% des immigrants qui s’y installent sont des immigrants récents (ce qui est comparable à la proportion d’immigrants récents dans l’arrondissement de Côte-des-neiges – Notre-dame-de-grâce et supérieur à la proportion d’immigrants récents de l’arrondissement St-Laurent). Deuxièmement – et cela qui fait en sorte que la Plateau soit constamment en mouvement – l’arrondissement compte 52% de ménages d’une seule personne (contre environ 39% à l’échelle montréalaise) et 36% de ces personnes vivant seules ont moins de 35 ans (contre 23% à Montréal). Cela veut dire qu’il y a plus de 10 000 jeunes de moins de 35 ans vivant seuls dans le Plateau – une population volatile s’il en est une.

En somme, le Plateau est un quartier urbain qui attire de nombreuses personnes de tout âge et toute origine parce qu’il offre un cadre de vie particulier, unique en son genre. Mais ce qui le distingue des autres quartiers de Montréal n’est pas tant la « mentalité » de ceux qui l’habite, quoiqu’en dise ceux qui aiment détester le Plateau. C’est plutôt la diversité des trajectoires de vie qui s’y rencontrent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, à mon avis, qu’on retrouve aussi dans le comté de Mercier (qui couvre la majeure partie du Plateau) aussi une grande diversité d’opinions politiques: c’est ici qu’à été élu le premier (et le seul) candidat de Québec solidaire – précédé d’un péquiste, lui-même précédé d’une libérale!.

Je ne suis pas né dans la Plateau et je n’y habite pas, mais j’ai la conviction qu’il y a un peu du Plateau en chacun de nous. Je crois aussi que la mixité des gens, des usages et de la forme urbaine qu’on y retrouve mérite qu’on la protège et qu’on la défende.

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10 comments

  1. I agree – the student and youth population is grossly exaggerated. It’s nice to see some demographics regarding the plateau community: the availability of this information is proof of the diversity of the neighbourhood! Thanks Joel.

  2. La densité «extrême» ou peut-être «raisonnable» devrait servir comme un exemple à suivre dans un monde qui s’inquiète pour les émissions GES, l’usage du pétrole, etc

  3. You kind of lose credibility at the beginning when you qualify radios-poubelles as “de droite”. How is someone supposed to take you seriously when you make outrageous statements like that?

  4. Une étude intéressante. Le seul truc qui m’enerve dans le Plateau c’est le fil d’attente qui train toujours à l’extérieur du resto L’Avenue pendant les heures du brunch. Leur brunch est juste moyen et il y a toujours la place au Hot-Dog Mont-Royal, qui est nettement supérieur est a plus de caractère. Les gens qui acceptent d’attendre une demi-heure afin de se faire voir à l’Avenue sont responsables pour la mauvaise réputations du Plateau.

  5. Juste une petite mise au point, les boomers ont entre 50 et 65 ans.
    Les 40 à 50 sont les X. Ce sont eux qui terminaient leur secondaire sur “Save A Prayer” de Duran Duran. Et qui ont vu Tron au cinéma.

    And MTLskyline, you should reconsider what is left and right. It’s easy, just look at your hands. Morron.

  6. Excellent article — my one quibble is that people aged 40-54 in 2010 are actually Generation X. Douglas Coupland himself is 48…

    Boomers, who are actually now or about to become senior citizens, would have been born between 1945-1960; some split it into two age cohorts, the 1946-1955 group and then the later 1956-1964 group. Depending on who you read, there’s overlap between late Boomers and early Gen X, but someone 40 today is definitely Generation X.

  7. “You kind of lose credibility at the beginning when you qualify radios-poubelles as “de droite”. ”

    To be fair MTLskyline, almost all of the shock jocks are self-proclaimed ‘rightists’. Whether they really are is debatable but I think it is fair for Joel to make the association.

    But I think we digress…

  8. …the new library looks very nice, but boy am I tired of how artistic the artist’s renderings can be. Uh, it’s a building, not a spaceship. Although notice they have skater-dude clip art now… a library that’s blood, man.

  9. Ces chiffres semblent datés.

    Regardez le document le Plateau à la loupe. Il semble que des dizaines de milliers de personnes aient quitté le Plateau en 1996, le même nombre en 2000, après plusieurs pertes importantes de population depuis 1980. On peut donc dire que la popluation a été largement remplacé et pas par des économiquement faibles. Par des conquérants de territoire bien nantis, qui investissent dans la pierre.

    Ni le revenu moyen ni le statut de monoparentl ne fournit d’indications sûres sur la réalité socio-économique.

    Par exemple, beaucoup de jeunes Britanniques, ou de jeunes Français travaillent dans des boulangeries, cafés ou entreprises de service dans le cadre de programme vacances-travail. Beaucoup louent au Plateau, leurs salaires ne sont pas élevés. mais cela ne signifie en rien qu’ils sont “pauvres”.

    Les expulsions locatives massives et les tarifs de location d’appartement sont un bon indicateur : il est très difficile, pour une personne seule de demeurer au Plateau. Les étudiants qui se mettent à trois ou quatre dans un 6 et demi peuvent le faire.

    Par contre, les gens d’âge moyen, qui étaient locataires mais avec des salaires non susceptibles de suivre les loyers actuels et encore moins les augmentations futures ont dû partir.

    L’intuition de l’embourgeoisement accéléré du Plateau, du remplacement d’une population par une autre, et de la destruction de la culture antérieure, est fondée.

    Et ce, même si ces “young angry white men” nous cassent vraiment les pieds.

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