Aux nombreux avantages connus liés à la densité urbaine, ajoutez maintenant celui-ci: ce qui est à toi est à moi. Et inversement. Prenons un exemple concret. J’habite à Saint-Henri, tout près du Canal Lachine. Un superbe endroit pour faire du kayak. Par contre, je n’en ai pas et je ne suis pas passionné au point d’en acheter un à quelques centaines de dollars. Je pourrais en louer un au kiosque près du marché Atwater, mais je devrais payer plus de 10$ de l’heure, ce qui risquerait fort de refroidir mon désir de partir à la conquête de l’eau. Je fais quoi? Ironiquement, il y a des centaines de personnes possédant un kayak à moins de 1000 mètres, mais qui ne l’utilise presque jamais. Profiter de cette réalité est maintenant aussi simple que de louer un DVD. Mais ne vous enthousiasmez pas trop rapidement, ce n’est pas encore chose faite à Montréal. On attend quoi, au juste?
Pour mon problème de Kayak, je pourrais utiliser les nouvelles plates-formes de location peer-to-peer qui émergent un peu partout: Zilok, Ecomodo, Rent Instead, Hire things, Rentalic, Neighborgoods, GoGoVerde, IRent2u, The Hire Hub, Loanables, Share Some Sugar et plusieurs autres. Tout ce qu’il faut pour que ça fonctionne, selon Rachel Botsman et Roo Rogers, auteurs du livre «What’s mine is yours: the rise of collaborative consumption», c’est une masse critique (de biens enregistrés à échanger, de personnes qui participent), un potentiel de marché non utilisé, une croyance en la communauté et une confiance entre les inconnus impliqués. Pour le dernier point, un système efficace de paiement électronique et un dépôt font le travail. Et ça ne s’arrête pas aux objets. Si vous avez cherché un appartement récemment, vous savez à quel point en avoir un avec une cour arrière est financièrement utopique. Ou bien juste très difficile à trouver. Vous voulez jardiner, mais n’avez pas de terrain? Urban Garden Share, Landshare et d’autres sites pourraient régler votre problème en vous mettant en contact avec des gens qui ont de l’espace inutilisé à proximité. Il y aussi du bon vieux troc avec Freecycle, des échanges de fruits et de légumes entre voisins sur Neighborhood Fruits et ainsi de suite. Alors que le discours écologique tend parfois vers une privation, ces nouvelles possibilités nous crient haut et fort: «Yes is more!». On a dorénavant accès à beaucoup plus, pour un prix dérisoire, tout en étant plus écologique. Pas mal. Personne n’est contre le recyclage. Un tranquillisant pour notre conscience à tous. Mais faut se le dire, on néglige parfois les deux autres R qui viennent avant celui-là: réduction et réutilisation. Si c’est possible d’y arriver en se privant encore moins, moi, j’achète.
Faute d’alternative, on a depuis trop longtemps confondu le besoin de posséder quelque chose avec le besoin de l’utiliser pour une période X ou à une fréquence Y. Grâce à de nombreuses évolutions technologiques récentes et à une conscience environnementale grandissante, notre paradigme de consommation se modifie. Du moi au nous. Propulsée par Internet dans bien des cas, cette tendance profonde a maintenant des impacts majeurs sur la vie hors ligne. Assurément, notre désir d’être l’unique propriétaire de certains objets ne se dissipera rapidement. Mon père, par exemple, ne voudrait jamais prêter ou louer ses précieux outils à des inconnus. Le plus grand défi semble donc être culturel, surtout en Amérique du Nord. Mais, à terme, c’est la voix la plus logique pour plusieurs biens. On commence à le voir à Montréal avec Bixi et Communauto. Autre exemple montréalais: l’équipe S.W.A.P. Si vous aimez avoir de nouveaux vêtements, mais que votre budget est mince, cette organisation a créé le plus grand échange de vêtements du continent. C’était à la Place des Arts, il y a quelques semaines. Ajoutons à ça tous les autres services qui n’ont pas de lien avec la densité urbaine et qui sont indépendants de la géographie. Netflix, par exemple, vous propose de louer une quantité illimitée de films en ligne, moyennant quelques dollars par mois, et ce, sans frais de retard. Adieu Superclub Vidéotron.
Perso, j’aime la ville lorsqu’elle est grande et dense. Une chose me touche particulièrement dans ce cadre de vie que trop de familles choisissent de quitter. Une qualité fondamentale dont la valeur est, avec le contexte environnemental que l’on connaît, de plus en plus cruciale: le sacrifice de l’espace privé au profit de l’espace public et collectif. Le partage, bref. On prend moins notre voiture, si on en a une: on utilise plutôt le transport en commun, Communauto ou bien un Bixi (au grand désespoir des chauffeurs de taxis). On n’a pas de cour arrière, ou rarement: on va plutôt jouer avec les enfants dans le parc avec les autres et on va cultiver nos légumes dans notre petit espace du jardin communautaire au coin de la rue. Pas de piscine privée non plus: on profite des nombreuses piscines publiques accessibles gratuitement. Et bientôt, plus besoin d’acheter un escabeau qu’on utilisera une fois par année: on pourra louer ou emprunter celui d’un voisin hyper facilement. Malgré toutes les contraintes qu’impose notre petit 4 et demi à un prix équivalent à celui d’une McMansion plantée sur un terrain de 20 000 pieds carrés dans un trou perdu (OK, hyperbole et jugement de valeur, j’avoue), les possibilités qu’offre l’avancement d’Internet et d’autres technologies permettent maintenant de booster le partage entre citoyens et ainsi décupler les avantages liés au fait d’habiter dans la grande et dense ville. C’est beau.
Mais tout ce long texte pour dire que je veux faire du Kayak. Et pour ça, j’ai besoin de vous.
5 comments
Très bon texte, réjouissantes perspectives, j’adhère aux valeurs et j’embarque totalement dans cet esprit de dense communauté. Je ne possède pas de kayak, par contre, mais j’ai des cèdres urbains et je te prête mon taille-haie quand tu veux.
@Marianne: Pas de cèdres à tailler, mais merci de l’offre! ;-)
Très bon billet Jonathan. J’aime particulièrement ton angle et les 11 services de location peer-to-peer que tu recenses!
@Jean: Merci! :-)
Merci pour le billet Jonathan. En éspérant vous voir à notre prochain échange de vêtements au Piknic Electronik le 3-4-5 septembre.
Infos: http://deshabille-toi.org
L’Équipe S.W.A.P.