Près d’un an après la démission de Gérald Tremblay, et après deux maires par intérim (trois si l’on compte Jane Cowell-Poitras, qui a succédé au maire Tremblay de lendemain de sa démission), on peut légitimement se demander si cela a changé quelque chose de ne pas avoir eu de maire (ou presque) pendant tout ce temps. On peut aussi demander – sans vouloir offenser qui que ce soit – si cela sert à quelque chose d’avoir un maire à Montréal, point à la ligne. En effet, étant donné que l’urbanisme est désormais une compétence d’arrondissement (ne concernant donc pas le maire) et que le propre maire de Montréal ne s’est pas rendu compte de ce qui se tramait sous ses yeux de 2001 à 2009, on est en droit de se poser la question.
Pourtant, sur papier, le maire de Montréal devrait être capable de gouverner sans problème. La Ville de Montréal est une administration municipale hors du commun, dans le contexte nord-américain, si l’on considère la concentration de son pouvoir exécutif en la personne du maire. D’abord, le maire de Montréal dispose pratiquement des mêmes prérogatives que le premier ministre. Il contrôle en effet les pouvoirs administratif, budgétaire et législatif de l’appareil municipal. Il choisit d’autre part les représentants de la Ville de Montréal au Conseil d’agglomération, même si son parti ne contrôle qu’une partie des sièges au Conseil municipal. Finalement, il préside à la fois le Conseil d’agglomération et le Comité exécutif de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), où Montréal contrôle la moitié des voix. Le maire a donc les coudées franches à l’intérieur de la Ville et de l’agglomération pour mettre de l’avant des projets ambitieux et pour les mener à terme.
Le problème, à mon sens, c’est que nous – à travers le Gouvernement du Québec – avons vidé la fonction de maire de ce qui devrait en constituer le cœur, c’est-à-dire le rôle de premier édile ou de « protecteur du domaine public » (édile provient du latin aedes qui signifie « foyer »). Je ne veux pas dire par là que le maire doit agir en « bon père de famille » et nous faire la morale; j’entends plutôt par là que le maire doit se préoccuper non seulement de faire des annonces et de couper des rubans, mais aussi de l’entretien des parcs, de la réfection des trottoirs et de la collecte des ordures. Ceux qui ont connu Jean Drapeau et Pierre Bourque racontent que l’un et l’autre demandaient souvent à leurs chauffeurs d’arrêter lorsqu’ils remarquaient un arbre abattu, une poubelle renversée ou autre chose. Ils prenaient note et demandaient, aussitôt revenus à l’hôtel de ville, qu’on envoie une équipe pour s’occuper du problème. Entendons-nous : Jean Drapeau et Pierre Bourque avaient des défauts et n’ont pas fait que des bons coups. Mais ils aimaient leur ville et n’avaient d’autre choix que de s’y intéresser.
Gérald Tremblay, en revanche, a hérité d’une ville où le maire ne voit même plus passer les changements de zonage et où il est n’est plus vraiment en contact avec la ville (avec un v minuscule) parce que son rôle est devenu presque strictement protocolaire. Il est vrai que cela est en partie dû au style particulier de l’ex-maire Tremblay (qui, dit-on, se comportait parfois en ministre, ce qu’il a été d’ailleurs avant de devenir maire). Mais c’est en partie, aussi, la fonction de maire de Montréal qui a perdu son sens et qu’il faut réinventer collectivement. Après « quelle ville voulons-nous?», l’heure est peut-être venue de poser la question : « quel (genre de) maire voulons-nous? ».
Avis aux intéressés : une discussion sur le rôle de maire aura lieu à la Maison de l’architecture du Québec lors du Café des Z’a du 19 novembre prochain. On se demandera, à cette occasion, si Montréal a besoin d’un maire architecte (plutôt que d’un maire « gestionnaire » ou « visionnaire »). Cet évènement est organisé avec l’appui du groupe conseil Avenue 8 et de Spacing Montréal.
One comment
La collecte des déchets, la réfection des trottoirs, l’entretient des parcs, etc. relève de la fonction publique, c’est à dire les directeurs d’arrondissements. C’est entre autre pour ça qu’un an “sans maire” ne semble pas changer grand chose. La fonction du maire est beaucoup plus politique et concerne les grandes orientations de la Ville plutôt que la gestion quotidienne de celle-ci. Il y a même un directeur général qui est l’alter égo du maire au niveau de l’administration et la fonction publique. La question du texte reste pertinente. Je pensr que le rôle du politique est de représenter les intérêts des citoyens ( et non ses propres intérêts) et d’être visionnaire pour le développement à long terme de la métropole. À mon avis, c’est là le grand manque. Le fait est qu’il y a pleins de bon monde qui travaillent fort pour donner une direction à la Ville. Mais il n’y a pas de vision concertée, trop de monde au pouvoir, trop d’intérêts divergeants…