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Canadian Urbanism Uncovered

Le goût de Montréal // Bouffe de rue : pour une approche systémique | Partie 2 – Plaidoyer et appel à tous

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Photo via Inhabitat

 

Vous n’avez pas lu la première partie de ce texte ? Cliquez ici. Vous y trouverez le contexte général de la cuisine de rue, autant ici qu’à l’international, ainsi que les principaux « adversaires » à son déploiement officiel à Montréal, selon moi. 

Il existe probablement plusieurs arguments contre la bouffe de rue, mais vous n’en trouverez pas beaucoup dans ce texte. Aucun, en fait. Biaisé? Un tout petit peu. Si vous y tenez, je vous invite à les ajouter au bas.

Animation des rues / espaces / stationnements – Pendant que les gens attendent pour leur nourriture autour des camions et des kiosques, ils interagissent d’une manière qui ne serait pas envisageable dans les restaurants conventionnels. «De la Boqueria de Barcelone aux souks du Moyen-Orient, manger dans la rue dans les pays méditerranéens est un moment de partage où l’on prend son temps, une forme de convivialité, de sociabilité tournée vers le brassage des classes et des générations», d’expliquer Bruno Giraud-Héraud, délégué général du Conservatoire international des cuisines méditerranéennes, à Marseille. La cuisine de rue permettrait de dynamiser et de diversifier le paysage commercial – chose dont plusieurs coins de Montréal auraient bien besoin. On peut penser à certains sièges sociaux en périphérie du centre qui n’ont presque aucun endroit où manger le midi, ou bien à plusieurs espaces publics entourés de grandes institutions dont le rez-de-chaussée est totalement dénué d’activité commerciale.

Hygiène – Où sommes-nous les plus susceptibles d’ingérer des virus, parasites, bactéries et autres variantes? Dans les restaurants sur roues ou sur ciment? Dans les deux cas, cela dépend bien souvent de la personne responsable et de la réglementation en vigueur. Mais surtout : « les problèmes surviennent, règle générale, avec le niveau d’hygiène du pays: plus il est bas, plus le risque est grand. », précise le Dr Michel Habel, de la Clinique du voyageur à Montréal. L’argument de la propreté était peut-être valable en 1947, mais qu’en est-il aujourd’hui? À New York, les quelque 3 000 kiosques / camions sont sujets à une centaine de lois et de règlements et sont inspectés au moins une fois par année. La violation la plus commune: se tenir à plus de 18 pouces de la rue…

Santé – On a souvent l’impression que les mets servis dans la rue sont graisseux et peu nutritifs. Le problème est évidemment plus grand et la réalité, plus nuancée. « Il ne faut pas confondre deux réalités: d’un côté, du street food à la McDo, que l’on associe au grignotage, à la malbouffe et au déséquilibre alimentaire, et qui propose un certain nivellement de l’offre; de l’autre, les cuisines de rue traditionnelles, qui sont des bastions identitaires en réaction à cette peur du goût unique», décrypte Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l’alimentation à l’université de Tours. Comment s’assurer que notre bouffe de rue soit moins McDonald’s et plus locale? Moins graisseuse et plus savoureuse? Pourrait-on avoir des règlements contre la vente de mets contenant des gras trans dans la rue sur l’espace public? Et d’autres règlements du genre? Un comité de santé spécialisé mandaté pour approuver ou non ce qui est offert, sans que ce soit trop limitatif?

Abordable  – Quoi faire lorsqu’on est un foodie pauvre? Souvent, les champions des bas prix sont les McDonald’s de ce monde. Qui peut battre un hamburger à 1,39 $? Comme le souligne un article sur le sujet dans L’Express, la cuisine de rue comme solution pas chère et de qualité est répandue, surtout dans la ville la plus chère au monde : Londres. « N’allez pas croire que cette spécialité de poisson entouré d’une croustillante pâte à beignets, servie avec des frites, soit réservée aux touristes égarés. Les sujets de Sa Majesté eux-mêmes en consomment 260 millions par an, dans 8 000 fish and chips shops! C’est à la fois la soupe du pauvre, le takeaway des cadres en costume-cravate et le plat traditionnel du vendredi, jour de poisson. (…)» À l’opposé de Londres, Montréal est déjà considérée comme la grande ville la plus abordable en Amérique du Nord, de même que l’une des plus ouvertes. La bouffe de rue pourrait-elle renforcer ces perceptions?

Lubrifiant social – Quel meilleur moyen de s’initier à la cuisine indienne qu’en étant attiré par l’odeur à même la rue? Pas besoin de franchir une porte et de se battre contre la réticence qu’on a parfois à essayer de nouvelles choses. C’est là. Devant nous. Prêt à être dévoré. Chip et Dan Heath, dans leur best-seller du New York Times Switch: How to change when change is hard, démontrent que l’un des meilleurs moyens pour arriver à provoquer un changement (dans ce cas-ci, une plus grande interaction entre les cultures) c’est de modeler le chemin pour y arriver en éliminant au maximum les obstacles. Montréal regorgeant de cultures avec lesquelles tous voudraient partager davantage, la cuisine de rue pourrait-elle se positionner comme facilitateur ? Comme intégrateur ?

Climat de fou – Montréal est probablement l’une des grandes villes où le contraste des températures est le plus intense: -35 degrés Celsius en hiver et + 35 degrés Celsius en été. Sans compter l’humidité. Quel serait le rôle pour le street food dans ces contextes souvent considérés comme extrêmes ? Pour animer l’espace public durant la saison froide et encourager les Montréalais et visiteurs à sortir de la « ville souterraine » : chocolat ou cidre chaud, tire d’érable et autres spécialités internationales. Durant les canicules, limonade et gelato pour prévenir les coups de chaleur.

Photo via The Guatemala Holla

 

Pour une approche systémique

Ces quelques dimensions du street food sont liées à de nombreux acteurs qui ont probablement beaucoup de choses à dire sur le sujet. Petit tour d’horizon de ces intervenants potentiels: fonctionnaires, maires de ville + arrondissements, représentants de quartiers à vocation spécifique, représentants du réseau de santé, designers industriels, architectes, petits et grands chefs, citoyens engagés, urbanistes, sociologues, psychologues, économistes…. Si on pouvait créer une opportunité, une plateforme qui permettrait à tous ces gens de s’exprimer et d’agir de concert en faisant la promotion haut et fort de ce que la bouffe de rue peut offrir, je crois que là on aurait un vrai bon plan pour provoquer le débat et faire pression.

On a peut-être plus de chances d’avoir un peu de street food à Montréal en contournant ingénieusement la réglementation, comme on le fait actuellement en temps de festivals ou bien dans certains espaces privés, mais est-ce que c’est un couteau à double tranchant? Est-ce que ça pourrait aussi servir d’argument contre le déploiement officiel de la bouffe de rue à Montréal? Les autorités pourraient se dire que la population n’a pas véritablement de raison de se plaindre, car de la bouffe de rue, il y en a de plus en plus, mais de manière ponctuelle et non officielle. On peut même manger notre bouffe de rue à l’intérieur maintenant (!).

Partout, les gens ont faim de bouffe de rue. Soit on en mange et ça fait jaser, soit on jase du fait qu’on aimerait tant en manger. Oui, certaines préoccupations sérieuses méritent d’être étudiées, mais je crois que la tenue d’un débat constructif à angles multiples démontrerait qu’il y a des solutions et qu’une culture durable de cuisine de rue peut coexister avec l’offre existante et être profitable pour tous. Mon souhait pour Montréal: que la bouffe de rue transforme très bientôt le paysage culinaire en le rendant plus inclusif, accessible, varié et… délicieux.

Vous avez des idées quant à la forme que pourrait prendre une approche plus systémique? Une association? Un Food Policy Council? Une plateforme Web avec crowdsourcing? Si le sujet vous intéresse, je vous invite à vous joindre à nous pour l’événement «Le goût de Montréal» le 5 avril prochain au CCA. Pour tous les détails, cliquez  ici.

 

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One comment

  1. Je suis un peu exaspéré par l’attitude qu’a Montréal à ce sujet. Bien que Montréal se dise une ville moderne et ouverte, je ne peux pas dire qu’elle soit innovatrice et ce à bien des points de vue. Les architectes se battent pour faire accepter les projets qu’ils souhaitent réaliser dans des secteurs pas très jojo et certains arrondissements qui pourtant en ont grandement besoin. J’ai un peu honte de Montréal pour son allure de ville à l’allure bombardée qui semble ne jamais se remettre de ses blessures ni de ses plaies ouvertes. Un exemple: on vient de passer 5-6 ans dans le bordel le plus total alors que se rénovait le Quartier-des-Spectacles et maintenant que celui-ci est sur le point de s’achever et qu’on s’apprête à le voir dans toute sa splendeur, on annonce des travaux d’aggrandissement du Musée-d’Art-Contemporain. Voilà que tout ce qui commençait à prendre forme et avoir de l’allure se verra à nouveau envahi de barricades, de cratères et de matériaux de construction. Une ville sans allure ni cohérence, une ville aux idées vieillotes dans sa façon de penser et de faire les choses. On dit que l’arrondissement Ville-Marie n’est pas le plus facile avec qui faire les choses et encore moins chambarder les vieilles idées conçues. Pas étonnant qu’on en soit là avec la bouffe de rue. Et pourquoi on ne mettrait pas des roulottes de bouffe multi-ethniques autour des écoles pour ainsi empêcher que les McDo et les PFK empoisonnent la santé des ados? Je pense qu’il y un nombre assez important d’étudiants latinos, pakistanais, indiens, maghrébens, asiatiques et autres qui ainsi pourrait faire la leçon aux québécois qui ne connaissent que le pâté chinois et les hamburgers. Quelle belle façon ce serait de leur faire connaître les autres cultures, de titiller leur curiosité et par le même fait leur faire découvrir une alimentation diversifiée et une nourriture des plus saines. Je rêve en couleur…

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