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Canadian Urbanism Uncovered

J’ai entendu le Condo pleurer

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Un ami notait récemment sur Facebook que tous les terrains vacants autour de chez lui, aussi petits soient-ils, recevaient maintenant un projet de condo. En quelques heures, les commentaires se sont accumulés, évoquant les excès de densité, la gentrification et les secteurs qui perdent leur âme.

J’entendais au loin le Condo pleurer. « Pourquoi tant de haine ? », demandait-il.

Pourquoi tant de haine, en effet?

Pendant les années 1980 et 1990, presque toute la construction résidentielle privée se faisait en banlieue, sur des terres agricoles mal desservies par le transport en commun. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis 12 ans, on construit à peu près 10 000 nouvelles unités de condos par année dans la région de Montréal et il y aurait sans doute autant de raisons de célébrer ce phénomène majeur.

Mais les amis du condo sont rares, et c’est ce que nous avons pu constater la semaine dernière lors d’une activité organisée par Avenue 8 au Centre canadien d’architecture. Alors, pourquoi tant de haine ? On peut trouver une multitude d’explications.

D’abord, le condo est une réalité récente pour les Montréalais, qui entre difficilement dans les catégories d’habitation auquel nous sommes habitués. On appelle les condos des condos, et jamais des maisons ou des appartements. Et le condo nous semble être une réalité à court terme. Très loin des Européens qui se transmettent des condos de génération en génération, nous voyons plus volontiers le condo comme un bien qui s’achète et se vend.

L’absence de lien direct entre le logement et la rue en dérange plusieurs. Les équipements intérieurs (gym, piscine) de certains gros projets renvoient à l’image d’un bâtiment fermé sur lui-même, d’une enclave protégée, petite ville dans la ville.

Et puis, la notion de condo reste associée aux conversions de triplex qui se sont traduites par l’expulsion d’innombrables locataires dans les quartiers centraux (cette pratique est soumise à un moratoire depuis le milieu des années 1970, lequel peut être contourné de plusieurs manières).

On associe également le condo au luxe clinquant, peut-être parce que les rares projets de condo des années 1980 et 1990 empruntaient abondamment à la villégiature tropicale. Mais on en critique aussi la construction bas de gamme, les matériaux à rabais, l’architecture sans saveur.

Mais c’est aussi un peu de sa faute

« Je suis victime de préjugé ! », clame le Condo entre deux sanglots. C’est vrai. Toutes ces images contradictoires collent à lui, même si chacune est liée à une catégorie bien spécifique de condo. Le condo est comme un velcro pour les clichés. Tout ce qu’on dit sur lui y reste collé et il accumule, au fil du temps, une couche de plus en plus épaisse de stéréotypes.

« Mais c’est aussi un peu de ta faute, Condo, » que j’ajoute aussitôt. Parce que le condo s’accompagne lui-même de son lot de cliché qui servent à en faire la mise en marché : clichés sur la vie urbaine trépidante, l’ambiance des quartiers et le quotidien incroyable des gens branchés. La publicité de condo parle souvent moins du bâtiment lui-même que du mode de vie de ceux qui y habitent.

Publicité montrant l’habitant-type d’un nouveau projet de condos et son environnement prospectif, tiré de: http://lavenuecondos1-px.rtrk.ca/fr/

 

Et ce faisant, le condo transforme la ville au 2e degré. Parce que le condo vient non seulement remplir tous les terrains vacants de l’île, mais il alimente aussi un nouvel imaginaire de la ville. Les quartiers ont maintenant une image de marque. Un discours promotionnel décrit les quartiers, leurs services et leur identité,  afin de soutenir la vente de condos sur leur territoire.  Cette publicité a sans doute des effets énormes. Pour les propriétaires dans un quartier, par exemple, elle envoie le signal que leur environnement prend de la valeur. (D’ailleurs, on pourrait se demander si la publicité de condos dans les quartiers défavorisés ne fonctionne pas comme une prophétie autoréalisatrice de gentrification.)

Et pour tous les Montréalais, cette publicité renvoie un miroir. Elle offre un portrait du Montréalais en professionnel urbain, parcourant la ville sur un Bixi, entre théâtres et petits cafés. Qu’on se reconnaisse ou pas dans ce portrait, la publicité s’abreuve à la vie urbaine et pour construire son imaginaire. C’est peut-être moins les condos qui dérangent, que le Montréal décrit par les publicités qui y sont associées.

Désolé, Condo. Hé, sans rancune !

Laurent Lussier est un collaborateur irrégulier de Spacing Montréal et il a organisé, avec Avenue 8, l’atelier “C pour Condo” le 17 novembre dernier au Centre canadien d’architecture.

 

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2 comments

  1. Bravo Monsieur, bel article. Ayant vécu en Europe, je suis d’accord que les “condos” ne sont pas vu de la même manière.

    Comme vous dites, le mot “condo” n’existe pas en france ou dans le reste de l’europe, c’est un appartement, qu’il soit loué ou acheté, c’est notre chez-soi, c’est un appartement.

    Je trouve aussi qu’ici, au Canada il y a comme une “rancune” émotionnel. Ceux qui habitent dans des condos sont vu comme des riches qui ont la vie facile par ceux habitant en banlieue, et ça, je dois avouer, j’ai trouvé difficile à gérer depuis que je suis là.

    J’habite au centre ville dans un “condo” parce que j’ai toujours habité dans un appartement en europe, proche du centre ville. c’est plus simple pour le transport et je n’ai pas besoin de sentir comme si je dois etre propriétaire de “ma terre”. pourquoi est-ce vu négativement à Montréal? ça n’est pas de même à Toronto par example.

    Merci,
    CC

  2. On voit bien à quel point certaines personnes aiment leur nombril… C’est-à-dire ces locataires qui pensent qu’ils sont spéciaux, qui pensent qu’ils sont les seuls à contribuer à l’ambiance de Montréal! 

    Pour être “Montréalais” et être un atout à l’ambiance du quartier, il faut absolument être propriétaire? Une personne vivant dans un condo ne participera pas à la vie de quartier? Ou bien c’est un imbécile qui n’a aucun goût et qui ne fera pas vivre les commerces intéressants, ne participera pas aux expositions locales, etc etc..?

    Et l’argument des services dans le condo, qui coupe de la vie de quartier… Et bien, les appartements possèdent des cuisines et des salles de bain, cela veut dire qu’ils nuisent aux restaurants et aux bains publics! Les gens sortent tout de même pour toutes les autres activités sportives qu’ils ne feraient pas dans leur salon s’ils avaient la place pour y mettre un appareil, et les piscines de condo sont pour se tremper, les propriétaires vont quand même à la piscine publique s’ils veulent nager.

    Franchement, ces “citoyens” ne font qu’exprimer leur mépris pou des gens, qui, en apparence, on un peu plus d’argent qu’eux, et répètent comme de bons catholiques que pour être vertueux, il faut être pauvre, qu’avoir un peu plus de sous pour être propriétaire, cela veut dire qu’on est nécessairement un moins bon être humain.

    Pathétique et insultant!

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