Le coroner a tranché, la mort de la cycliste Mathilde Blais était évitable. Il a été prouvé par son investigation que cette mort n’est ni la faute du chauffeur du camion, ni celle de la pauvre cycliste. Le chauffeur du camion, au pire, n’aurait pas respecté une distance raisonnable entre la cycliste et son camion. La cycliste, qui empruntait ce trajet tous les jours, roulait de manière sécuritaire. Il s’agit donc d’un décès résultant d’une omission. L’omission de sécuriser des espaces conflictuels, voire mortels.
Ce décès est tragique, mais malheureusement peu surprenant. Quiconque franchit le viaduc Saint-Denis à vélo se retrouve coincé entre un mur de béton et la voie de circulation. L’endroit est mal éclairé et les véhicules accélèrent dans la côte. La seule présence d’un nid de poule, d’une chaussée glissante ou d’un camion est suffisante pour rendre le trajet potentiellement tragique.
Oui, la circulation des vélos sur le trottoir a été autorisée à l’improviste après l’accident. Cela change peu de choses à la situation actuelle. Il est déjà désagréable pour les piétons d’emprunter le trottoir sous le viaduc Saint-Denis; faire de ce trottoir une piste partagée est improductif. Il est irréaliste qu’un cycliste qui utilise le vélo comme mode de transport utilitaire doive marcher à côté de son vélo avec les piétons, poussettes et joggeurs. D’ailleurs, Radio-Canada a constaté sans surprise qu’à l’approche du viaduc Saint-Denis, les cyclistes préfèrent encore continuer leur chemin sur la chaussée.
Les recommandations
Parmi les recommandations du coroner se trouve la pose systématique de jupettes sous les camions, afin de limiter les chances de chute sous les roues. L’idée est bonne : comme le port du casque, ça limite la gravité des blessures, mais pas les accidents.
Dans le registre de la prévention, le coroner met l’accent sur la distance minimale à respecter entre les voitures et les cyclistes, alors que certains appellent à plus de vigilance des usagers de la route, à davantage de courtoisie et de présence policière, etc. Ces recommandations sont intéressantes mais ne changent que fort peu de choses à la situation : ce viaduc est dangereux.
La recommandation la plus pertinente du coroner est celle qui demande que soit favorisée (encore un terme mou) la création de corridors de circulation sécuritaires pour les cyclistes dans l’aménagement urbain. À cela s’ajoute la traditionnelle question : est ce qu’il faut atteindre 250 accidents avant de modifier une structure dangereuse ?
Au delà des recommandations
La suprématie de la fluidité des transports motorisés, le manque d’ouverture du CN sur sa communauté, la molesse politique de la Ville de Montréal, la difficulté de trouver des entrepreneurs et tant d’autres bonnes et surtout moins bonnes raisons sont le résultat de la situation actuelle. Une situation qui, malheureusement, rappelle qu’aménager des villes viables, ce n’est pas seulement planter des fleurs et aménager des espaces publics stimulants, c’est aussi éviter que ses citoyens ne se fassent tuer.
2 comments
Je crois que les passages à niveaux sur la voie ferrée seraient une solution à privilégier.
On circule partout à vélo, on devrait se sentir en sécurité partout. Mis à part les autoroutes, toute contrainte m’obligeant à prendre un chemin alternatif est un viol de ma liberté.
Il faut une bande de béton pour séparer vélos et voitures sous le viaduc St-Denis.