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Canadian Urbanism Uncovered

La reconversion pas à pas de l’avenue Shamrock, un projet consensuel

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De Time-Square au marché Jean-Talon

La prolifération de petites placettes éphémères en bordure de rue, plus connues sous le nom de parklets, est habituellement l’affaire d’interventions estivales ou temporaires. Il y a quelques années, il était audacieux d’investir quelques places de stationnement avec du mobilier temporaire et une animation. Cette action est désormais intégrée dans les stratégies d’aménagement des villes comme San-Francisco et Toronto. L’actuel et très médiatisé processus de piétonisation de Time-Square à New-York illustre toutefois une tendance de plus en plus populaire dans la transformation des rues en espaces publics sans voiture. L’idée est d’intégrer progressivement des aménagements temporaires, mais dans une facture plus achevée, pour atteindre en douceur l’acceptabilité d’un projet. Entretemps, le projet est testé et bonifié avant l’arrivée des pelles mécaniques. C’est cette approche, à mi-chemin entre le projet pilote et la maquette in-situ, qui est utilisée dans la création de la place Shamrock. Le processus d’intégration successive d’espaces temporaires évolutifs est-t-il désormais un passage obligé pour les projets de piétonisation des rues?

L’avenue Shamrock, un lien à renforcer

Dans la Petite-Italie à Montréal, le boulevard Saint-Laurent ainsi que le marché Jean-Talon sont deux générateurs de déplacements commerciaux et touristiques majeurs. La partie ouest du marché, celle située plus près du boulevard Saint-Laurent, est toutefois peu invitante pour les piétons. Le stationnement de surface du marché, cintré par des blocs de béton ainsi que les tristes pourtours délabrés en gravier de la superbe caserne 31 longeant l’avenue Shamrock, rendent les liens piétons moins cohérents avec le reste du quartier. Aussi, les espaces de détente et de rencontre du marché sont rares, planifiés et encadrés : quelques tables à pique-nique centrales ou les terrasses des cafés.

Le réaménagement imminent de la partie sud-ouest du marché, prévoit justement de rendre ce secteur plus agréable en enfouissant le stationnement et en ajoutant de nouveaux espaces publics. Ces travaux sont aussi l’occasion de repenser le lien stratégique avec la Petite-Italie que constitue l’avenue Shamrock et ses pourtours de la caserne 31. C’est ce que les élus de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie ont décidé de faire avec la mise en place d’un aménagement évolutif.

OmbreShamrock_ACV

La place Shamrock, étape par étape

Inaugurée à l’été 2014, la première phase d’aménagement de la place consiste en une piétonisation partielle du tronçon de l’avenue Shamrock entre l’avenue Casgrain et la rue Saint-Dominique. Le sol de la place est recouvert d’un motif peint en rouge et du mobilier urbain en bois conçu sur mesure est disposé le long du trottoir. L’élément central est un carrousel de vélo, lui aussi conçu sur mesure pour le site par l’atelier Barda. Cécile Combelle, conceptrice du carrousel, mentionne que «  l’objectif était d’ancrer le carrousel dans le quotidien et non pas dans une expérience unique et évènementielle: le fait de faire une pause au carrousel sur la place devient un rituel, comme le fait d’aller faire ses courses au marché ».

Pour François W. Croteau, le maire de l’arrondissement, même si ce genre de placette était souhaité tant des citoyens que des commerçants, « on a procédé à l’inverse de la place des festival ». C’est à dire que l’idée est de «  créer une intervention qui n’est pas statique et qui peut évoluer selon les besoins ».

La phase II est prévue pour 2017. D’ici là, le mobilier pourra être réutilisé ou modifié au besoin. À terme, l’objectif est de convertir toute l’avenue Shamrock afin de lier la nouvelle partie du marché au boulevard Saint-Laurent en fonction des commentaires, des usages et de la popularité des aménagements temporaires.

JardinMarche_ACV

Un potager près du marché

Tout juste derrière la place, sur le triste stationnement de gravier vacant, une initiative citoyenne d’agriculture urbaine a émergé. Les quelques bacs commandés aux Pouces urbaines par l’arrondissement afin d’égayer la ruelle Shamrock ont incité le collectif Incroyables comestibles à y construire des bacs de légumes, en toute illégalité. L’arrondissement a laissé libre court au projet, car selon M. Croteau, le projet s’inscrit en continuité avec l’esprit de la place Shamrock. Il y voit un projet pilote 100% citoyen, qui, selon les résultats, pourrait inspirer le réaménagement permanent du stationnement de gravier situé autour de l’ancien kiosque d’inspection des viandes.

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Un espace qui fonctionne

Depuis sa fête inaugurale, la place Shamrock est un succès. Les cyclistes y transitent pour accéder au marché, les passants y font halte, des travailleurs y siestent l’après-midi, les chaises berçantes sont pleines de touristes, de lecteurs d’après-midi ou de couples en visite ; les fêtes organisés saturent la place de visiteurs …

C’est un espace qui fonctionne. Il faut dire qu’aménager un espace piéton aux couleurs vives, planté d’un carrousel et de balançoires (tout le monde aime se balancer) qui donnent un petit look de cour arrière foraine, à côté d’une destination hyper achalandée était peut-être un pari gagné d’avance. À un point tel que l’on peut se demander si c’est nécessaire de planifier une succession de projets temporaires au lieu de faire une simple consultation publique et d’investir directement les fonds dans un aménagement permanent de qualité.

Il convient de procéder par étape lors de la piétonisation de secteurs complexes, comme par exemple les grandes rues commerciales, où la pluralité des usages, la spécificité de certains commerces et le manque de caractère de la rue sont des éléments qui peuvent jouer sur le succès de la piétonisation. Mais mettre autant d’énergies et d’étapes dans l’aménagement d’un grand parklet dans un secteur vitalisé ?

Certes, certains propriétaires de la rue restreignent la piétonisation complète de la place, prétextant un accès à leur stationnement arrière. L’arrondissement anticipe aussi des réactions pour la deuxième phase, celle qui retirera davantage de stationnement sur la rue. Et considérant la plainte des bileux sur le Plateau-Mont-Royal lors de l’implantation des mesures massives d’apaisement de la circulation par l’administration Ferrandez, l’arrondissement Rosemont-la-Petite-Patrie s’est assuré de garder un bon rapport avec ses citoyens en y allant par étape. Dans cette optique, développer des projets petit à petit, même lorsque ceux-ci semblent d’emblée consensuels, est probablement gage de sagesse.

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Photo par Fabien Lasserre

Avec l’arrivée imminente de l’hiver, l’idée d’espace d’essai prendra probablement toute sa pertinence, car l’animation d’un espace piétonnisé durant la longue saison est une autre paire de manches. Mais l’initiative la plus stimulante avec cette approche est sans aucun doute celle des citoyens jardinant le stationnement adjacent à la place, car la forme qu’ils donneront à leur travail permettra probablement que l’agriculture effectue un retour pertinent sur le terrain du marché Jean-Talon.

Inusité et unanimité

Si les étapes d’aménagement son peu couteuses et offrent une latitude pour les usagers; si les mécanismes d’analyse mis en place sont rigoureux et permettent une réelle bonification des projets à l’essai, cette approche de planification urbaine a le potentiel de créer des espaces à la fois inspirants, inusités et consensuels.

Photos par Alexandre Campeau-Vallée 

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One comment

  1. En fait, on devrait lire que c’est le côté ouest du marché qui est près de Saint-Laurent et que le stationnement en question est, lui aussi, beaucoup plus ouest que sud-ouest. Néanmoins c’est un article très intéresssant.