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Canadian Urbanism Uncovered

Le monument inconnu

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Photo : Jean-Pierre Martineau, via flickr

Au milieu des débats sur le port des signes religieux, il y a toujours quelqu’un qui craint, suggère ou émet à des fins rhétoriques l’hypothèse que des fanatiques de la laïcité détruise un jour la croix du mont Royal. Le symbole de Montréal ! Un rappel de la croix plantée par Maisonneuve à peu près au même endroit en 1643 ! Mais la croix est-elle la seule structure significative sur le sommet du mont Royal ? Il est tentant de croire que l’antenne qui s’élève juste à côté joue un rôle aussi important dans la vie des Montréalais.

Cette antenne appartient à la Société Radio-Canada (SRC) qui possède à cet endroit des installations depuis 1944. S’y retrouvent aussi les installations de presque toutes les radios et télévisions qui émettent des ondes, dont Astral, CTV, TVA, Télé-Québec et Global. Même les radios de l’Université de Montréal et de McGill sont diffusées à partir de là. L’antenne étend son emprise sur toute la région métropolitaine. Elle a permis à tous les habitants du Grand Montréal de regarder la télévision à l’époque des ondes et elle envoie encore à tous les automobilistes coincés dans la circulation le soir et le matin les voix familières des animateurs de radio.

L’antenne est aussi beaucoup plus visible que la croix. On dit souvent que le 1, place Ville-Marie (une autre croix) est la construction la plus élevée à Montréal ; ce n’est pas tout à fait exact. Les gratte-ciels montréalais les plus hauts ne dépassent pas 220 m. L’antenne, en revanche, avec ses 112 m qui s’additionnent à la hauteur du mont Royal, s’élève à quelque 344 m (ce qui représente, somme toute, 25 m de plus que le Chrysler Building à New York). Au surplus, elle a la forme d’un trident décoré de trois lumières rouges — c’est probablement la construction la plus visible à Montréal ; à côté d’elle, la croix ressemble à un bijou discret.

Lors de consultations publiques à propos de l’antenne, en 2008, plusieurs participants ont demandé que l’antenne soit retirée ou, au pire, intégrée au paysage de manière à la rendre à peu près invisible. Moins on verra l’antenne, disent-ils, plus le mont Royal retrouvera sa silhouette élégante.

Évidemment, je comprends très bien ce raisonnement, mais j’ai envie d’en prendre le contrepied. Pourquoi ne pas saisir l’occasion qu’offre cette immense structure et la traiter comme un monument ? Le monde ne manque pas d’infrastructures de télécommunication mémorables (tour du CN, Berliner Funkturm, etc.) L’antenne pourrait (je donne des exemples au hasard) être intégrée dans une tour en spirale ou une pyramide renversée. On pourrait la déguiser en conifère en ou en monticule rocheux ou la recouvrir avec une peinture réfléchissante qui projetterait ses reflets sur l’île de Montréal ou y accrocher des poils, de manière à ce qu’elle ressemble à un yéti debout les bras dans les airs sur le sommet du mont Royal.

Selon la SRC, une antenne de rediffusion est présente à cet emplacement depuis les années 1920 (la présence d’une antenne est donc aussi ancienne que celle de la croix, dont la construction a été complétée en 1924). Alors qu’approche à grands pas le centenaire de l’antenne du mont Royal, je propose que l’on réfléchisse, au moins un tout petit peu, à l’intérêt d’en faire un monument.

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